Un « GROUPE DE CONTACT » entre sociétés psychanalytiques françaises venues d’horizons divers a été créé en l’année 2000. L’objectif fut à l’époque de défendre la spécificité de la psychanalyse, tant dans ses pratiques que dans ses modalités de formation, par rapport aux psychothérapies dont les pouvoirs publics entendaient règlementer l’exercice.
Participation de l’ APF
Des membres de l’APF ont participé depuis l’origine à ce groupe : successivement Dominique CLERC, Évelyne SECHAUD, Felipe VOTADORO, Patrick MEROT, Monique SELZ, Bernard de LA GORCE et Claude BARAZER. Ces dernières années notre position fut définie comme celle d’observateurs. Bernard de LA GORCE a souhaité pouvoir s’engager de façon plus active mais en son nom propre, se positionnant clairement comme étant délégué par l’APF mais non comme représentant l’APF.
Il a tenu le Conseil régulièrement informé des initiatives, débats et prises de position marquant la vie de ce groupe, données qui sont d’ailleurs directement transmises par le secrétaire Jacques SÉDAT à certains de nos membres et qui sont regroupées dans un dossier déposé au secrétariat auquel tous ceux qui le souhaitent peuvent avoir accès (en s’adressant par e.mail à Madame Mamane).
De l’abondante documentation qui en résulte nous retiendrons simplement ici quelques éléments d’information.
Mouvement actuel
À la réunion de septembre 2017 un argumentaire intitulé « Secteurs de questionnement », fruit d’un travail collectif et destiné à la ministre de la santé, fut présenté en dernière lecture aux membres du groupe. Aussitôt envoyé il resta plusieurs mois sans réponse. Surpris par le contenu B. de La Gorce qui assistait pour la 1èrefois à la réunion voulut faire part dans le courrier suivant de ses interrogations aux participants.
« Quels sont aujourd’hui les objectifs et quels sont les moyens préconisés ?
Si nous nous adressons aux pouvoirs publics il me semble important de faire apparaître sans ambiguïté que ce n’est pour défendre aujourd’hui ni les psychanalystes, ni même la psychanalyse car elle a son propre champ d’exercice et c’est à elle qu’il appartient de se faire reconnaitre en utilisant ses outils théoriques et cliniques.
Si nous sollicitons aujourd’hui l’intervention des pouvoirs publics c’est pour aller contre une forme d’ostracisme inadmissible (voire d’obscurantisme) qui, sans aucun fondement scientifique, mais sous la pression de lobbies, d’intérêts catégoriels et d’idéologies partisanes, tend à exclure des structures soignantes et de l’université les psychiatres et psychologues de formation psychanalytique. Ceci en dépit de la contribution irremplaçable (il n’y a pas d’équivalent) qu’ils peuvent apporter à la compréhension de la psyché humaine, au traitement de la souffrance et notamment à la prise en charge thérapeutique des enfants et des adultes en grande difficulté.
Le problème posé concerne donc très précisément la place de la psychanalyse, et par conséquent des psychanalystes, dans les institutions : Santé d’une part, Enseignement supérieur d’autre part. Or - et c’est le point auquel je veux en venir - n’est-ce pas avant tout aux responsables des institutions concernées qu’il revient de soulever cette question auprès de leurs ministères respectifs ? N’est-ce pas aux psychiatres, psychologues et soignants, et à leurs collectifs (comme par exemple l’association des psychiatres d’intersecteurs), aux associations d’usagers concernées et aux enseignants des facultés de médecine et de psychologie qu’il appartient d’intervenir en première ligne auprès de leurs administrations ? On me dira que ce sont, au moins pour une part, les mêmes personnes. Bien sûr mais ce n’est pas la même chose d’intervenir auprès des pouvoirs publics en tant que membres de sociétés psychanalytiques ou en tant que responsables des services de soins et de l’enseignement dont le ministère public a directement la charge. Cela ne va en aucune façon à l’encontre des démarches entreprises par notre collectif mais c’est leur positionnement qui, face aux problèmes aujourd’hui posés, me semble devoir être questionné. Non seulement nous ne pouvons pas agir seuls mais ce n’est pas à nous, me semble-t-il, d’intervenir en première ligne pour des problèmes qui ne portent pas sur nos associations ou nos sociétés (qui ont le statut d’organes de recherche et de formation), mais qui concernent les services et institutions dans lesquels nous sommes appelés (ou pas) à intervenir en tant que psychanalystes. Le fait que le ministère de la santé tarde tant à nous répondre n’est-il pas lié à cette équivoque ?
Si nous sommes de moins en moins appelés à intervenir dans ces unités de soins ou d’enseignement, voire si nous en sommes carrément exclus, cela déplace la ligne de front du côté de nos collègues médecins et enseignants. Nous ne pouvons pas, en tant qu’associations de psychanalystes, demander aux pouvoirs publics de leur imposer notre participation, ni même de la « recommander » plus qu’une autre. Nous pouvons seulement, en tant que médecins et enseignants, dénoncer les manœuvres de rejet dont nous faisons l’objet en tant qu’analystes. L’exclusion par le CNU de la référence à la psychanalyse dans les revues qualifiantes pour l’obtention de postes universitaires est un coup de force d’un sectarisme inouï.
Il nous faut alors considérer que la difficulté ne vient pas tant des pouvoirs publics que de nos collègues psychiatres et psychologues. S’il en est ainsi nous avons à nous demander pourquoi la psychiatrie tend de plus en plus à rejeter la psychanalyse ; idem du côté des facultés de psychologie. Nous pouvons bien sûr stigmatiser les résistances mais ce n’est pas un fait nouveau. Nous pouvons évoquer certaines évolutions culturelles privilégiant les visées opératoires à court terme et les fonctions normatives. Mais nous avons aussi à nous interroger sur les responsabilités qui nous reviennent. Si la psychanalyse suscite des résistances, ce sont les psychanalystes eux-mêmes qui dans le passé, et peut-être aujourd’hui encore, ont souvent contribué à la décrédibiliser par certaines outrances, leur façon de se poser en détenteurs de vérité, etc. La psychanalyse a eu souvent, et a encore parfois à se défendre des psychanalystes eux-mêmes. Les spéculations de certains sur les facteurs psychogénétiques de l’autisme, relayées de façon primaire dans certaines institutions sous la forme d’une mise en cause des parents, se paient sans-doute aujourd’hui. Les psychanalystes récoltent, au moins pour une part, ce qu’ils ont semé (disons pendant leurs « 30 glorieuses »). Mais indépendamment de ces avatars, la psychanalyse a suscité à cette époque-là un transfert si massif qu’il n’est pas étonnant de le voir aujourd’hui se retourner sous forme négative. C’est un peu dans l’ordre des choses. Je ne partage d’ailleurs pas du tout à ce sujet le pessimisme ambiant qui va parfois jusqu’au délire de ruine… Les mouvements de balancier nous éprouvent actuellement mais rien n’est venu concurrencer la psychanalyse pour ce qui est de l’exploration du psychisme humain.
Quoi qu’il en soit des causes de cette défaveur, ce sont les effets d’une mise à l’écart de la clinique psychanalytique au bénéfice de techniques essentiellement adaptatives qu’il nous appartient de faire ressortir en tant que prise en compte de la psyché humaine dans toute sa complexité basant le soin sur l’écoute du patient. Nos arguments sont cliniques.
L’argumentaire « secteurs de questionnement » s’inscrit dans cette perspective. Je suis toutefois un peu surpris que l’on retrouve en 1èreposition la question de l’autisme alors même qu’un pas à ce sujet vient d’être franchi. On peut considérer bien sûr que tout reste à faire concrètement mais est-il avisé de commencer par-là ? Cette question de l’autisme, la plus litigieuse et qui reste chargée de tant d’inconnues, n’est d’ailleurs peut-être pas celle qui concerne le plus centralement la psychanalyse. Ne faudrait-il pas, s’agissant notamment des enfants et adolescents, éviter d’engager la psychanalyse dans cet entonnoir, suivant en cela, paradoxalement, l’évolution de la CIM 10 qui est dénoncée à la fin, laquelle inclut les psychoses infantiles dans l’autisme ? Ne serait-il pas préférable de commencer par mettre en question cet amalgame qui témoigne de l’écrasement de toute approche psychopathologique ? Denys Ribas souligne opportunément à ce propos le gouffre qui sépare le DSM purement descriptif de la classification française des troubles mentaux, et là encore c’est la clinique qui est à placer au cœur du débat.
- de La Gorce
Audience à la Direction générale de l’organisation des soins.
La ministre de la santé, Agnès BUZIN, n’a pas reçu la délégation du Groupe de contact qui avait sollicité un rendez-vous sur la base du dossier précité mais s’en est déchargée sur la DGOS (Direction générale de l’offre des soins) avec laquelle une rencontre a eu lieu ce 16 février 2018. Voici le compte-rendu de cette entrevue par Jacques SÉDAT :
Chers collègues et amis,
L’audience que nous avions préparée, lors de notre réunion du 4 février, a eu lieu comme prévu, à la DGOS le 16 février 2018, en présence du Professeur François LEMOINE, conseiller médical auprès de la ministre de la Santé, et de Madame Sylvie ESCALON, sous-directrice adjointe de la régulation de l’offre de soins.
L’entretien s’est déroulé dans un climat très cordial d’écoute et d’échange sur les grands points que nous avions choisi d’aborder, lors de notre réunion du 4 février.
Chacun de nous avait préparé un texte de présentation de la question dont il s’était chargée.
Madame ESCALON nous a remerciés par mail de leur avoir préparé ces documents écrits et éventuellement nous recontactera.
Le Professeur LEMOINE nous a par ailleurs vivement encouragés à prendre contact avec le ministère de la Santé, au moment où sera annoncé le Plan santé mentale, afin que nous y prenions part.
Bien amicalement
Jacques SÉDAT
L’argumentaire « secteurs de questionnement » ainsi que les six textes de présentation (émanant de Jacques Sédat, Denys Ribas, Francis Drossart, Françoise Josselin, Guy Dana et Patrick Landman) peuvent être consultés dans la version complète de ce document disponible au secrétariat de l’APF. On y trouvera aussi un aperçu des discussions qui ont animé ce groupe au cours de l’année 2018.
« Rapport d’experts »
Dans la suite de ces démarches un mouvement intitulé « Stop DSM », animé par l’un des participants les plus actifs du groupe de contact, à savoir Patrick Landman, a élaboré un rapport sur la situation de la psychanalyse en France destiné aux instances politiques et administratives ainsi qu’à l’information du public. Chaque analyste individuellement mais aussi chaque société participant au Groupe de contact a été invitée à signer ce rapport. L’APF a pris cet engagement par décision du Conseil en septembre 2018, suivie par la SPP, le 4èmegroupe puis la SPRF pour ne citer que les sociétés les plus proches de nous.
Ce rapport ainsi que la version complète du document sur le Groupe de contact peuvent être obtenus par les personnes intéressées sur demande par e.mail au secrétariat de l’APF.