Elles viennent parfois difficilement, parfois complaisamment, elles viennent parler un peu de leur vie, surtout des événements qui jalonnent le temps entre deux séances. Elles parlent de ceux qui les entourent ou de ceux qui ne sont pas là – brillants du halo de leur absence – elles parlent rarement d’elles-mêmes sans détour, sans déplacement, directement. C’est une caractéristique étonnante, dont on pense généralement qu’elle n’existe pas à cette période de la vie tant l’accent est mis, toujours, sur la centration sur soi, sur l’égocentrisme et le narcissisme.
Elles ont entre 16 et 20 ans et parfois d’immenses difficultés à vivre : elles montrent leurs plaies ouvertes, leurs revendications perdues, étouffées, violentes. Elles évoquent un monde dur, logiquement cruel, irrémédiablement figé dans une injustice dont elles se plaignent sans révolte. Elles décrivent crûment une réalité dont elles se déclarent les victimes sans appel, fortes de leur dénonciation, de cette découverte nouvelle d’une déchirure inéluctable, trahissant les illusions de l’enfance, miroirs dérisoires d’une impuissance apparemment reconnue, reflets éphémères de croyances perdues. […]