Lorsqu’une revue s’appelle L’Inactuel, qu’elle tente de soutenir, numéro après numéro, les axes de réflexion impliqués par ce titre, rien d’étonnant à ce qu’elle en vienne à explorer le thème du « primitif ». Dans cette notion tout comme dans celle d’inactualité, la question sous-jacente la plus forte se trouve être celle d’une temporalité qui ne se résume ni au temps de l’Histoire, ni à celui du développement, ni même à celui du progrès – encore que tous ces points de vue, et d’autres encore, aient pu être adoptés par tel ou tel théoricien du primitif.
Il apparaît bien que pour chacun des auteurs de ce numéro, à quelque « discipline » qu’il appartienne, de même que pour certains chercheurs d’époques antérieures auxquels ils se réfèrent les uns et les autres, la désignation « primitif », avec ses variantes, ne saurait se rapporter à une réalité empirique. Elle est, précisément, une façon de désigner un autre, une altérité : celle d’individus, de peuples, ou la sienne propre. De surcroît, plus que des contenus, cette désignation qualifie des fonctionnements. Fonctionnements qui qualifient, dans chaque cas, certains états de la vie, de l’esprit, de la vie sociale, ou de la langue.
Automne 1999
Revue l’inactuel, Nouvelle série, n° 3, Circé Parution : 26-11-1999
SOMMAIRE
Présentation : la construction du primitif Marie Moscovici Devenir primitif Gérard Lenclud Le sourire de Lucy Dominique Clerc-Maugendre L’image survivante : Aby Warburg et l’anthropologie tylorienne Georges Didi-Huberman L’indépassable notion de primitivité : entre fantasme et réalité Pierre Zaoui Barbarismes Patrick Lacoste L’horreur du primitif Pierre Fédida Des mots reviennent aux morts Dominique Suchet Avant la nomination. Relire La Boétie Jean-Michel Rey Crépuscule du soir, crépuscule du matin. Sens opposés et mots primitifs Klára Korompay La langue maternelle : la grande absente Rachel Ertel L’un sans l’autre ? ou le français et l’allemand Georges-Arthur Goldschmidt L’originaire des mots chez Pierre Michon Jacqueline Rousseau-Dujardin La politique de Dyonysos. Sur le livre de Nicole Loraux : La voix endeuillée Jean Alaux Les auteurs