Accueil » Journée Scientifique de la SPRF « L’écoute de l’inconscient à l’épreuve du numérique »
92 bis, boulevard du Montparnasse 75014 Paris
argument
L’enjeu majeur de la découverte freudienne est le surgissement des mots trouvés créés dans le vif du transfert et du contre transfert. Une rencontre à nulle autre pareille où le psychanalyste écoute un patient parler de ce qui lui arrive, de ce qui l’atteint, de sa souffrance, de ses réminiscences. Ce cadre permet l’accès aux fantasmes inconscients, aux affects les plus inattendus dans leurs formes et dans leur force pulsionnelle, afin de pouvoir les penser et trouver les mots pour les dire.
Depuis l’invention freudienne, le monde a beaucoup changé.
Le virtuel est devenu roi. Il est de toutes les scènes, privées et publiques. Voir d’abord. Penser et accéder aux mots, ensuite.
Cet afflux d’images venues du dehors, de la réalité externe, cette captation, vient-elle barrer l’accès au sexuel infantile,
aux fantasmes originaires ? Les écrans impactent-ils le penser- rêver ? Entravent-ils l’accès au symbolique, essentiel pour construire son roman familial et ne plus être pris en otage par la réalité vue et imposée de l’extérieur ? L’omniprésence des écrans modifie-t-elle nos constructions imaginaires, notre rapport à l’environnement, au réel, à notre corps et à nos sensations ?
La dématérialisation introduit une rupture entre le somatique et le psychique. Que devient le rapport au corps, à l’autre présent- absent ? Où se situent et s’éprouvent les limites entre le dedans et le dehors, le perçu et l’hallucinatoire ? La source corporelle perd-t-elle de son importance pour ne privilégier que le discours ? La dématérialisation ne signe-t-elle pas l’abandon du corps ou son insignifiance dès lors qu’il n’y a plus de limites à la matérialité et à la réalité imposées par la présence physique ?
La psychanalyse, et par conséquent les analystes, sont bousculés par l’arrivée des nouvelles technologies et leur temporalité immédiate. Cette « fréquentation intensive du monde digital tend à créer une abrasion des facultés imaginatives » et « l’addiction à l’immédiateté de la réponse court-circuite le travail psychique d’élaboration face aux énigmes » au profit d’un fonctionnement en pensée opératoire (Patrick Miller).
Que devient l’écoute du faux et du vrai, du délire et du rêve – fût- il un cauchemar – dans un monde où le vrai et le faux, le rêve et la réalité se télescopent ; dans la mesure où l’immédiateté, le tout tout de suite, en deux clics, abrase la temporalité psychique, la dimension de l’après-coup ? Comment la suprématie du numérique et de l’Intelligence Artificielle vient-elle bousculer nos théories et/ou renforcer nos résistances ? Que devient le cadre analytique : dire, entendre, être entendu, au-delà du discours conscient ? Comment interroger cet impact du virtuel sur notre écoute ? Quelle influence sur le maniement du transfert et le repérage des mouvements contre transférentiels en l’absence de relation analytique incarnée quand certains défendent l’analyse à distance faisant fi de l’infra-verbal et de la sensorialité vécus en présentiel ?
Il nous faut, en présence, nous rencontrer pour échanger et en parler.