Lorsqu’un patient me consulte, il m’est en fait donné de voir un corps et, à partir de là, je peux me fier à l’évidence de mes sens, aux informations qu’ils me transmettent. Je ne pense pas que l’on puisse ignorer ces informations, les faits eux-mêmes sont déjà si peu nombreux.
W. R. Bion, Séminaires italiens, pp. 11-12.
L’histoire de la médecine occidentale est marquée par une rupture épistémologique sur laquelle le philosophe Michel Foucault (1963) a attiré l’attention. Les médecins, depuis la plus haute antiquité, observaient attentivement leurs patients, les symptômes qu’ils présentaient, le regroupement de ces symptômes, leur évolution favorable ou défavorable, souvent marquée par des crises annonciatrices de leur résolution. Pourtant, leurs descriptions restaient le plus souvent confuses, rares étaient les maladies bien identifiées, clairement différenciées du reste de la pathologie. C’est sans doute qu’il leur manquait une méthode précise, qui leur aurait permis de hiérarchiser et de classifier les faits qu’ils observaient. Faute de cela, le recours aux grands auteurs qui les avaient précédés leur servait de garantie. L’argument d’autorité faisait souvent office de preuve. […]