Aujourd’hui, écrit Patrick Lacoste dans le texte qui ouvre ce numéro, « (…) les événements nous montrent comment, par le biais d’un fanatisme manipulé, l’illusion peut transformer la réalité de façon catastrophique ». Au nom de ce constat indéniable, soutenu par la série de destructions prétendument « justifiées » par de hautes raisons idéologiques ou religieuses au cours du XXe siècle et actuellement autant que jamais, il est désormais d’usage de clamer le désastre de la pensée, passée, présente et future. Outre que nul n’est en mesure de savoir ce qui est en train de se fomenter, au moment où, immergés dans notre temps indiscutablement chaotique et bien qu’un peu plus savants (mais toujours divisés) sur le passé nous tentons de penser et de désirer, la question des illusions n’est pourtant pas éteinte. Comment le pourrait-elle ?
En 1927, écrivant L’Avenir d’une illusion, formule qui nous fournit le titre de ce numéro, où son objet était la religion, les croyances, et en dépit du fameux pessimisme dont l’accrédite un peu légèrement sa légende, Freud ne manquait pas de noter avec obstination : « La voix de l’intellect est basse mais elle ne s’arrête pas que ne l’ait entendue ». Est-ce encore un peu vrai, peut-on toujours y croire ? questionne encore Lacoste. Et tout ce recueil, avec sa tentative d’aborder ces questions précisément par plusieurs bords, à propos de divers domaines de la pensée , est inspiré par de telles interrogations.
Cheminer, fût-ce contre le vent, dans la discrimination du réel et de l’illusoire continue à s’imposer à plus d’un. Chaque auteur le fait ici à sa façon dans le domaine de l’art, de la littérature , de l’enseignement, de la psychanalyse. Ainsi s’esquissent de proche en proche à la fois les dangers des idéaux, des mythes et ceux de l’absence d’idéaux, d’une soumission prétendument réaliste à une telle absence.