Accueil » La rencontre de septembre
21 rue Antoine-Julien Hénard Paris 75012
L'esprit de résistance
PROGRAMME
9h30 Accueil des participants
10h Introduction — Hervé BALONDRADE
10h15 Alejandro ROJAS-URREGO — Perdre le sol
11h30 Pause
12h Julien BLANC — L’expérience résistante
13h15 Repas Libre
14h45 Jean-Pierre SIMÉON — L’objection du poème
16h00 Pause
16h30 Christophe DEJOURS Des résistances internes à l’esprit de Résistance
Chaque conférence sera suivie d’une discussion avec l’assistance
17h45 Reprise conclusive
18h Clôture de la journée
ARGUMENT
Avec le mot résistance s’ouvre tout un pan de la théorie et de la méthode psychanalytique. Les liens entre résistance et transfert en sont le cœur complexe et ambivalent. « Les hommes ne veulent pas guérir », était le titre d’une conférence d’une journée de l’APF en 2002 sur le thème Résistances, mais s’ils continuent à s’adresser au psychanalyste, c’est peut-être qu’ils nourrissent aussi l’espoir d’une vie psychique plus libre. Vingt ans plus tard nous revenons sur ce sujet dans une perspective plus vaste : la cure psychanalytique n’a pas le monopole de la résistance.
Souvent le corps social résiste à ce qui dérange ses idées convenues. La psychanalyse à son début en fut l’objet et Freud a abondamment réfléchi sur la résistance de la société à la psychanalyse, troisième déception infligée à l’illusion de puissance de l’homme après celles de Copernic et de Darwin. Les temps actuels voient un regain de résistance hostile à son égard dans de nombreux cercles. Un groupe de députés n’a-t-il pas tenté de porter à l’Assemblée Nationale le projet d’une résolution visant à interdire aux psychanalystes de traiter les autistes ? Au sein même des sciences humaines, ne voit-on pas les principes fondamentaux de la psychanalyse attaqués, et en particulier le sexuel infantile constitutif de l’inconscient freudien ?
Mais résister est aussi une potentialité psychique précieuse. La Résistance, avec une majuscule pour l’occasion, est ce qui a permis, au terme d’une lue diplomatique intense, que la France ne soit pas considérée comme pays allié de l’Allemagne hitlérienne à la n de la deuxième guerre mondiale. Ceux qui s’y étaient engagés vivaient cette résistance comme seule possibilité de survie de la liberté politique, intellectuelle et psychique. Aujourd’hui cet esprit de résistance apparaît dès qu’un État restreint trop ou trop brutalement les libertés de ses citoyens. Fuir un État qui attaque jusqu’en son plus intime la liberté est souvent la seule résistance possible, « migrants » et autres « réfugiés » en sont les représentants les plus visibles. Ceux qui tentent de résister de l’intérieur sont aujourd’hui abandonnés sous les décombres du tremblement de terre en Syrie, ou pendus en public en Iran.
Dans ces deux États et dans combien d’autres ce sont les artistes, les poètes qui portent la voix de la résistance, car en de telles circonstances ils sont « les seuls à croire encore au monde. Ils ne peuvent pas se permettre d’êtres étrangers au monde » écrivait Hannah Arendt. Incarnent-ils alors ce principe fondamental de la vie psychique : la résistance, tant à la force coercitive externe qu’à la force pulsionnelle interne ? Face à ces excès, politiques, mais aussi climatiques, environnementaux, quelles conditions permettent le déclenchement de la résistance, quelles conditions l’étouffent, l’interrompent ?
De quelle résistance s’agit-il quand s’organise la lue contre ces catastrophes ? Et quand elle n’advient pas, peut-on parler d’une défaillance de l’esprit de résistance, comme le serait aussi la tentation que l’on voit partout se développer de se soumettre à des régimes politiques autoritaires ? Une tentation au moins aussi forte chez l’être humain que l’esprit de résistance. Pourrait-on aller jusqu’à penser que souvent les hommes ne veulent pas plus être libres qu’être guéris ?