DATES :
Samedi 8 et dimanche 9 juin 2024
Samedi 8 et dimanche 9 juin 2024
Les entretiens de l’APF
Centre Jouffroy
70, rue Jouffroy d’Abbans – 75017 Paris
70, rue Jouffroy d’Abbans – 75017 Paris
Direction de la discussion par Karinne Guéniche
Intervenants : Clarisse Baruch (SPP), Brigitte Éoche-Duval et Kostas Nassikas
Intervenants : Clarisse Baruch (SPP), Brigitte Éoche-Duval et Kostas Nassikas
Je ne crois plus à ma Neurotica, dit-il. Et nous ?
Juillet 1897, Freud écrit à Fliess ce qui sera sans doute sa lettre la plus célèbre. « Je ne crois plus à ma Neurotica ». A-t-on mesuré le séisme dans sa pensée qu’a été cette conclusion, lui qui avait tant misé sur sa découverte de l’étiologie sexuelle traumatique des névroses ? Des années de recherches pour en arriver à cette amère désillusion. Mais comme plus tard Freud le découvrira : on ne sait renoncer à rien, juste échanger une chose contre une autre. Lui non plus ne renonce pas, il échange l’attentat sexuel contre l’attentat pulsionnel, l’attentat fantasmatique.
Un échange partiel, car il n’abandonne pas le constat que les attentats sexuels perpétrés par un adulte sur un enfant ont des conséquences psychiques, immédiates ou retardées. Mais il n’en fait plus la condition nécessaire et suffisante au dévelop- pement d’une névrose. Certains de ses successeurs n’auront pas la même souplesse de pensée ni la même prudence, et dénieront toute pertinence à l’étiologie trauma- tique. Jusqu’à la Grande Guerre, car dès lors comment comprendre les névroses de guerre, comment interpréter les cauchemars des Poilus ? Prétendre qu’il s’agissait d’un accomplissement de désir devenait grotesque. Il s’en suivit la révision de la doctrine du rêve. Là encore, quel séisme dans la pensée de Freud, quand on sait l’importance qu’il attachait à son Interprétation du rêve, lui qui pensait faire apposer une plaque sur la maison où sa découverte du rêve comme réalisation de désir avait pris corps.
Avec l’abandon de la Neurotica les pères regagnent en innocence et en dignité, mais plus tard, en 1932, ce sont les mères qui seront, certes innocemment, les séductrices et premières initiatrices. Jean Laplanche a donné toute la mesure de ce retour d’une certaine Neurotica avec la théorie de la séduction généralisée étendue ensuite pour devenir « situation anthropologique fondamentale ». Situation au sein de laquelle sont transmis à l’enfant des messages énigmatiques chargés de l’inconscient sexuel de l’adulte. Il n’en fait certes pas l’étiologie des névroses, mais bien la source de l’inconscient.
Le développement actuel de la « victimologie » a de quoi rendre à nouveau perplexe le psychanalyste, pourtant habitué à ces mouvements de résistance et de régression. L’inflation extrême qu’a pris la figure repoussante du pédophile dans les sociétés modernes, l’extension rapide de la notion de harcèlement, sexuel puis moral, sem- blent redonner à l’attentat venu d’un autre une valeur décisive voire unique dans l’étiologie des troubles névrotiques, et pas seulement eux d’ailleurs. Au point qu’évo- quer la participation fantasmatique de la victime avec le sentiment inconscient de culpabilité, le besoin de punition et le vaste champ du masochisme devient obscène ou répréhensible.
Croyons-nous, ne croyons-nous plus à la Neurotica ? Et d’ailleurs, s’agit-il d’y croire ou ne pas y croire ? Ou bien, sans parler de croyance, quelle place donner en 2024 à cette première théorisation freudienne de l’étiologie des névroses ?
Un échange partiel, car il n’abandonne pas le constat que les attentats sexuels perpétrés par un adulte sur un enfant ont des conséquences psychiques, immédiates ou retardées. Mais il n’en fait plus la condition nécessaire et suffisante au dévelop- pement d’une névrose. Certains de ses successeurs n’auront pas la même souplesse de pensée ni la même prudence, et dénieront toute pertinence à l’étiologie trauma- tique. Jusqu’à la Grande Guerre, car dès lors comment comprendre les névroses de guerre, comment interpréter les cauchemars des Poilus ? Prétendre qu’il s’agissait d’un accomplissement de désir devenait grotesque. Il s’en suivit la révision de la doctrine du rêve. Là encore, quel séisme dans la pensée de Freud, quand on sait l’importance qu’il attachait à son Interprétation du rêve, lui qui pensait faire apposer une plaque sur la maison où sa découverte du rêve comme réalisation de désir avait pris corps.
Avec l’abandon de la Neurotica les pères regagnent en innocence et en dignité, mais plus tard, en 1932, ce sont les mères qui seront, certes innocemment, les séductrices et premières initiatrices. Jean Laplanche a donné toute la mesure de ce retour d’une certaine Neurotica avec la théorie de la séduction généralisée étendue ensuite pour devenir « situation anthropologique fondamentale ». Situation au sein de laquelle sont transmis à l’enfant des messages énigmatiques chargés de l’inconscient sexuel de l’adulte. Il n’en fait certes pas l’étiologie des névroses, mais bien la source de l’inconscient.
Le développement actuel de la « victimologie » a de quoi rendre à nouveau perplexe le psychanalyste, pourtant habitué à ces mouvements de résistance et de régression. L’inflation extrême qu’a pris la figure repoussante du pédophile dans les sociétés modernes, l’extension rapide de la notion de harcèlement, sexuel puis moral, sem- blent redonner à l’attentat venu d’un autre une valeur décisive voire unique dans l’étiologie des troubles névrotiques, et pas seulement eux d’ailleurs. Au point qu’évo- quer la participation fantasmatique de la victime avec le sentiment inconscient de culpabilité, le besoin de punition et le vaste champ du masochisme devient obscène ou répréhensible.
Croyons-nous, ne croyons-nous plus à la Neurotica ? Et d’ailleurs, s’agit-il d’y croire ou ne pas y croire ? Ou bien, sans parler de croyance, quelle place donner en 2024 à cette première théorisation freudienne de l’étiologie des névroses ?