Notre Association a été longtemps réservée quant à partager publiquement ses travaux scientifiques.
1984, première Journée Ouverte, l’Association a 20 ans. Puis il faut attendre 1993 pour que, tous les deux ans depuis, l’Association ouvre ses Entretiens pour une Journée publique.
C’est aujourd’hui la première fois que nos Entretiens, ouverts donc, se tiennent ailleurs qu’à Paris.
Nous ne pouvons que remercier le Comité scientifique d’avoir fait cette proposition que le Conseil a soutenu. Merci donc à François Hartmann qui avec Sarah Contou Terquem, Cecile Marcandella, Marc Delorme, Philippe Quéméré et Laurence Kahn ont proposé cette rencontre, ici, sur le thème : La Tentation de l’Oubli.
Mais savaient-ils qu’ils nous permettaient de retrouver une part de l’histoire de la présence de l’APF à Lyon ; une part de notre histoire institutionnelle mais aussi un petit peu de l’histoire de la psychanalyse à Lyon, plus ou moins oubliée mais quoiqu’il en soit, inscrite.
En effet, en 1989 se sont tenus à Lyon des Entretiens non pas Ouverts mais déplacés dans une ville où commençaient à se trouver les premiers membres de l’APF, isolés, encerclés comme l’écrira Pierre Fédida relatant cette époque. À ces Entretiens, avaient été invités quelques collègues de Lyon, de la région et de Suisse. La motivation était de soutenir une certaine forme de présence et de travail de la psychanalyse, contre, à l’époque, une trop grande banalisation des pratiques, de la théorie et de l’offre psychanalytique. Se souvient-on que ces Entretiens, en1989, ouverts par André Beetschen, avec des conférences d’Edmundo Gomez Mango et de Jean-Claude Rolland sur le thème « La maladie sexuelle » étaient commentés ainsi par Pierre Fédida alors président de l’APF « Ces Entretiens, riches, discutés, chaleureux nous ont montré que les activités scientifiques psychanalytiques peuvent, comme on le voit, se réinventer dans leur conception ».
Alors ? cette première manifestation à Lyon, anticipatrice des modifications à venir dans la façon de témoigner de l’offre et de la créativité analytique ? Peut-être. Viendront ensuite pour cela d’autres manifestations (Les Journées ouvertes, les Rencontres, les soirées del’APF à Paris ou en province, à Lyon surtout) et viendra notre publication dont le titre « Le présent de la psychanalyse » suffit pour témoigner de l’offre et de la créativité.
Mais savait-il, le Comité scientifique qu’en choisissant Lyon pour cette modification nouvelle : le dépaysement, il choisissait une ville qui tisse avec son passé une relation vivante. « Vivante » veut dire qu’entre la colline qui crie et la colline qui prie, elle construit son histoire entre souvenir et oubli, entre refoulement et déni, ainsi que chacun.
Lyon 1831 1834 -Révolte -, la révolte des Canuts reconnue pour être la première insurrection sociale du monde moderne.
Lyon 1940 1944, - Résistance - Jean Moulin, ou encore Raymond et Lucie Aubrac mais aussi Lyon
1940- 1944. Klaus Barbie ou encore Isieu.
J’emprunte au Souvenirs d’un autre ; écrit par Jacques Le Dem cette réflexion sur l’oubli et le brouillard de la ville :
« Il y avait quelque chose de muet dans toute cette histoire où personne non plus ne parlait car personne ne savait… Personne ne savait ou ne voulait savoir … comment tout cela était-il arrivé sans qu’[on n]’en sache rien… »
La mémoire de la résistance a été largement ravivée par un événement, le procès de Klaus Barbie en 1987. Et les lieux de tortures se sont transformés en musés -le Centre de l’Histoire de la résistance et de la Déportation de Lyon.
Quels sont les liens entre la petite histoire et la grande ? Le collectif, la culture permettent-ils l’oubli ou bien favorisent-ils le ressouvenir ? Faut-il oublier pour se souvenir ? Comment les trajets intimes des refoulements des dénis et des remémorations s’appuient-ils sur le travail de la mémoire collective ? L’intimité de la cure analytique dont la vocation est de libérer des aliénations des traces sexuelles infantiles non encore remémorées, trouve-telle un obstacle ou bien un allié dans cette mémoire collective si prompte à oublier les choses dernières : la mort et la sexualité. Quand on sait que le transfert est le seul lieu psychique opérant pour une transformation de la répétition en remémoration et perlaboration.
Souhaitons que les travaux de cette journée nous permettent d’avancer ; peut-être encore et toujours entre révolte et résistance ; mais n’en sommes-nous pas toujours là quand le monde confirme sans cesse la force de la répétition délétère avec la barbarie et la guerre ou avec les procédés sophistiqués et administratifs de négation de la vie psychique et de la subjectivité auxquels la psychanalyse, et au-delà l’humanité de l’humain sont confrontées.
Dominique Suchet
Jacques André a dirigé les discussions tout au long de la Journée organisée par
Fafia Djardem, avec Claude Arlès, Hélène Hinze, Françoise Laurent, Isabelle Pays ; avec les conférences de Bernard de la Gorce,Isée Bernateau, Serge Franco.