Sisyphe remontant indéfiniment son rocher, Pygmalion amoureux de sa création, Gepetto fabriquant le facétieux Pinocchio, Persée affrontant la tête de la Gorgone… ainsi travaille le sculpteur dans la matière muette de la pierre, du bois, du plâtre ou du métal pour lui donner vie et forme. Entre mélancolie et fête carnavalesque sans entraves, l’œuvre de nos deux sculpteurs double comme une ombre gigantesque la parole de l’analyste.
Si Brancusi crée comme un démiurge, Giacometti conçoit comme un funambule, sur la lame du rasoir, la mort toujours à ses trousses. Mais il y a du funambulesque chez Brancusi et du démiurgique chez Giacometti, ces deux dimensions pouvant être considérées comme emblématiques de toute création artistique. L’archaïque, le mythe cosmogonique, le sacrifice, l’inconnu, l’amour, la cruauté et la tendresse, le masculin et le féminin, la sublimation et le jeu de l’enfance, l’histoire et la préhistoire, voici quelques axes de réflexion majeurs à partir desquels ces deux monstres sacrés de notre modernité sont conviés à dialoguer.