Ils ont tué un père, un fils, un frère, une femme, un amant, un voisin… On ne tue pas davantage dans les sociétés antillaises qu’ailleurs, mais lorsqu’on tue c’est en famille – ou en voisinage.
Les crimes d’Assises, à travers les audiences, les dossiers et les entretiens avec les détenus, offrent à l’analyse un matériel clinique original. À la parole du criminel se mêle la multiplicité des témoignages. jusqu’aux lettres anonymes. Passé l’acte meurtrier, c’est la fresque d’une vie que la somme de ces récits reconstitue.
Ce livre prend le temps de raconter ces histoires tragiques, faisant, d’un meurtre à l’autre, le tour de la famille. La mort violente ponctue un récit où se manifestent à chaque fois les lignes de tension et les points de rupture du dispositif familial. Autant de destins individuels qui participent sans doute de la pathologie, mais dont le mérite premier est de donner accès à ce qui se joue secrètement dans les conflits de la vie quotidienne.
L’anthropologie des sociétés noires américaines a volontiers souligné l’importance de la mère. Mais elle reste muette quand il s’agit de comprendre comment une configuration familiale peut se structurer au plus près de l’intimité incestueuse. L’approche psychanalytique déplace l’accent, de la description des rôles vers la mise au jour de l’amour et de la haine. Elle complique le jeu des figures, de la mère vers le pôle maternel.
La mère est rarement tuante, jamais tuée, mais il n’est de conflit qui ne porte son empreinte. Le pôle maternel est au point focal du réseau familial, il est aussi la matrice de ces récits de vie et de mort.