La poésie se soucie peu de la psychanalyse ; et la psychanalyse n’a rien de très pertinent à dire de la poésie. Et pourtant, en l’une comme en l’autre, s’exerce un pouvoir, ordinairement ignoré, que recèlent les mots. Les mots disent le monde, le souvenir du monde ; ils sont des miroirs nostalgiques où nous ne cessons de nous contempler, de nous regretter. Mais il est une façon de les écouter, de nous laisser les dire et les entendre, qui permet parfois, fugitivement, l’accès aux trésors qu’ils portent, aux traces toujours vivantes qui palpitent en eux. Lorsque cela advient, même de si brève façon, alors…
Alors le monde est autre, nouveau comme au premier jour, le tain du miroir est tombé et ce n’est plus nous que nous voyons, mais d’autres visages que nous ignorions, les autres multiples de notre visage ; car nous laisser dire les mots, c’est les laisser nous dire. Alors nous regardons, depuis l’horizon, nous voyons depuis l’entour de nous. Alors, Joë Bousquet peut remercier Paul Éluard : “Vous avez permis que je devienne celui qui dans ma voix m’écoute.” »
François Gantheret