L’homme a besoin du langage. Par la parole, forme achevée et symbolisée, il peut accéder à une dimension sociale et culturelle et développer l’espace de sa pensée. Sans doute est-il préférable de conférer à cette propriété singulière un caractère sacré, plutôt que d’en faire le témoin ou l’indice d’une supériorité sur les autres espèces…
Pour nous, psychanalystes, à l’ oeuvre entre le silence et les mots, interroger le langage questionne les soubassements mêmes de notre pratique, d’autant plus qu’avec les enfants, la pathologie nous place parfois en amont du monde verbal, en ces lieux archaïques de la communication où le corps fait signe et sent bien en amont de la parole.
Ainsi, la puissance évocatrice des mots ne va pas de soi et, dans la « pénombre des signifiants » qu’ils convoquent, l’émergence du sens, de l’émotion, révèle bien la complexité de leur genèse.
« Ne serions-nous qu’un corps, sans doute
Serions-nous en équilibre avec la nature.
Mais notre âme est du même côté que nous
Dans la balance.
Lourde ou légère, je ne sais.
Mémoire, imagination, affects immédiats
L’alourdissent ; toutefois, nous avons la parole
(ou quelque autre moyen d’expression) ; chaque
mot que nous prononçons nous allège. Dans
l’écriture, il passe même de l’autre côté.
Lourds ou léger donc je ne sais, nous avons
Besoin d’un contrepoids »
Francis Ponge L’objet c’est la poétique, 1962