Accueil » LA JOURNÉE DE JANVIER 2025 : Imposture
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Imposture
Si de nombreux patients évoquent à un moment ou à un autre de leur analyse le sentiment pénible de se sentir être un imposteur, et ce souvent au moment de la survenue de succès dans leur existence, il n’est pas rare d’entendre aussi des analystes assaillis par de telles pensées déplaisantes, qu’elles visent le patient dont ils perçoivent une sorte d’inauthenticité, ou leur propre personne dans leur fonction d’analyste.
Les liens avec le sentiment de culpabilité sont assez évidents : être coupable de réussir, de surpasser un parent, un frère ou une sœur, est souvent le motif de la dégradation du sujet au rang d’imposteur. La régression va alors plus loin : il ne s’agit plus seulement de se reprocher son ambition, sa réussite, l’accomplissement de ses idéaux, mais de mettre en doute leur réalité. D’illégitime, le sujet devient escroc. C’est alors le narcissisme que cible l’attaque. Le sentiment inconscient de culpabilité et le besoin de punition par ce rabaissement sont aussi à l’œuvre.
Une autre forme d’imposture résulte de la soumission d’un sujet à un autre tout-puissant dont il suit les diktats, ou les conseils aussi feutrés qu’envahissants, au point de n’avoir aucune autonomie dans la conduite de sa vie. L’analyse peut prendre la même voie et le faux-self analytique menace.
Avec le mot imposture c’est aussi tout le registre de la perversion qui est ouvert. Il ne s’agit plus alors du sentiment d’imposture, d’ailleurs les véritables imposteurs ne l’éprouvent guère. Lorsqu’ils arrivent chez un analyste, ce dernier est confronté de façon déroutante à son désir, sa jouissance, son plaisir, tant ces patients sont aptes à retourner les situations et à faire en sorte que ce soit l’autre qui ait à résoudre l’énigme de leur existence. Il est alors difficile pour l’analyste d’entendre leur parole comme un matériel ordinaire. Les véritables imposteurs pervers sont cependant rares chez l’analyste.
En apparence à l’opposé sont les revendications de posture. Du wokisme aux affirmations du genre, ces certitudes identitaires d’aujourd’hui semblent obturer les interrogations que posent l’origine et la sexualité. L’analyste est sommé d’accepter ces postures sans poser la question de ce qui fait leur texture. N’ont-elles pas pourtant l’allure de symptôme névrotique ou de formations réactionnelles ?
Le sentiment d’imposture du psychanalyste n’est-il pas du même registre névrotique entre restes non « liquidés » de transfert sur son propre analyste et manifestation de contre-transfert avec tel ou tel patient ? Faut-il y inclure la situation de l’analyste qui se prend réellement pour l’objet du transfert, quand il se croit parent, sauveur ou tortionnaire ? On se souvient à cet égard de la dénégation de Freud à bout d’argument face à l’Homme aux rats qui le malmène : « Je ne suis pas le capitaine cruel », lui dit-il. « Bien mon capitaine », lui rétorque le patient, qui a saisi et la dénégation et l’imposture.