English version APF: presentation
I-Des choix décisifs
- Un esprit de recherche et de découverte
- Former des psychanalystes : L’extraterritorialité de l’analyse personnelle dans la formation
- Le parcours des analystes en formation : une culture de liberté
II-Une conquête
- Histoire de l’APF
III-Organisation
- Les membres de l’Association et ses différentes instances
- L’institut de formation
I-Des choix décisifs
L’Association psychanalytique de France (APF), fondée le 9 juin 1964, stipule dans l’article 3 de ses statuts qu’elle « a pour objet d’apporter sa contribution à la découverte freudienne et à la recherche en psychanalyse, et de former des psychanalystes selon les normes qui lui sont spécifiques. Elle est une société composante de l’Association Psychanalytique Internationale (API) ».
Ces options statutaires qui rassemblent les membres de l’APF se sont formées sur la lancée d’un mouvement dont nous retraçons l’histoire dans le paragraphe « Une conquête » avant de préciser les dispositions qui en résultent concrètement en particulier du point de vue de la formation (pour l’aspect pratique de celle-ci, on se reportera à Formation).
Commençons par définir ces options (qui se sont forgées au cours de l’histoire et qui font l’originalité de ce mouvement psychanalytique).
Un esprit de recherche et de découverte
La psychanalyse est considérée non pas comme une théorie du fonctionnement psychique appliquée par des professionnels à la prise en charge thérapeutique de patients mais, suivant le chemin inverse – d’ailleurs en tous points fidèle à la démarche freudienne – comme étant avant tout un procédé d’investigation d’où résulte une méthode de traitement, tandis que les notions psychologiques acquises par cette voie ne se rassemblent que secondairement en une discipline théorique laquelle n’est jamais fixée définitivement. C’est parce qu’elle s’inscrit sur ce vecteur, allant de la clinique à la théorie, avec bien entendu des effets de retour, que l’APF se définit en première intention par sa fonction de recherche. Les générations d’analystes qui ont pris le relais des fondateurs soutiennent l’ardente volonté de maintenir vivant cet esprit de découverte qui les engage personnellement, dans leur propre relation à l’inconscient, et qui caractérise l’œuvre de Sigmund Freud. Ses constructions inachevées et si souvent remaniées par lui-même, n’ont cessé d’être « remises sur le métier » à partir de l’approfondissement de la pratique clinique des cures de névrosés, mais aussi de celles de patients à priori moins aptes à tirer profit d’une approche analytique. Ainsi la tâche reste-t-elle infinie pour penser les formes agissantes du transfert, la nature des représentations inconscientes et des résistances, l’enfouissement et les résurgences de la sexualité infantile, les tribulations du moi soumis aux attaques pulsionnelles, aux contraintes internes ainsi qu’aux exigences de la réalité. Une tâche pratique et théorique donc, mais aussi la transmission d’une œuvre portant sur l’exploration de cette terre interne, radicalement étrangère, qu’est l’inconscient.
Former des psychanalystes : l’extraterritorialité de l’analyse dans la formation
L’APF se donne pour mission de former des psychanalystes. Mais comme le précise son texte fondateur, elle poursuit cet objectif selon les « normes » qui lui sont propres. Cette référence à des « normes » peut surprendre mais elle recouvre un enjeu essentiel : « normes spécifiques » est à entendre par opposition aux modalités de formation qui s’imposaient naguère dans toutes les sociétés composantes de l’API comme étant précisément les « normes générales » auxquelles il fallait s’ajuster – celles-ci restent d’ailleurs en vigueur dans de nombreux pays. Nous reviendrons sur les conditions qui ont amené en 1971-1972 les membres de l’Association, sous l’impulsion notamment de Jean Laplanche et de J.-B. Pontalis, à se démarquer radicalement de ces modèles par la suppression de l’analyse didactique, ou analyse de formation, considérée jusque-là comme étant à la base du cursus. Elle imposait à celui qui envisageait de devenir psychanalyste, d’entreprendre, après accord de l’institution psychanalytique, une cure avec un « didacticien » patenté qui avait en même temps pour fonction d’accompagner, de soutenir éventuellement ou de mettre un frein dans la réalité à la réalisation de ce projet. En d’autres termes elle plaçait l’analyse du candidat sous contrôle institutionnel. Il n’est pas difficile de comprendre à quel point cette double fonction endossée par l’analyste, cette duplicité, pourrait-on dire, de celui qui reçoit et focalise les enjeux transférentiels tout en détenant conjointement un pouvoir réel sur le destin de celui qui se livre à lui, était de nature à compromettre la possibilité même de l’analyse. D’ailleurs celle-ci se trouve curieusement engagée si elle se fixe a priori un objectif défini en adoptant une « représentation-but » d’ordre professionnel partagée par l’analysant et l’analyste. Comment laisser place aux effets de déliaison, au libre jeu des associations et du transfert si l’analyste est en position d’interférer ultérieurement dans la réalité concrète avec les projets de son patient, celui-ci étant inévitablement saisi par le souci de se faire agréer ? Positivement, la suppression de « la didactique » qui fut l’un des actes les plus marquants et les plus novateurs au regard des modèles en vigueur dans la communauté analytique internationale, est venue poser comme une exigence intangible l’extraterritorialité de l’analyse personnelle vis-à-vis de toute forme d’ingérence institutionnelle. Cela signifiait concrètement que plus jamais l’analyste d’une personne désireuse d’entreprendre la formation ne serait sollicité de quelque façon que ce soit auprès de ses pairs pour donner un avis concernant son parcours et ses aptitudes, pas plus qu’il n’aurait à l’accompagner dans ses démarches. L’analyse personnelle reste la condition première d’un engagement dans la formation, et dont nul autre que le candidat lui-même n’aura à en rendre compte. À l’APF un corollaire logique de ce « principe d’extraterritorialité » est d’accueillir des candidats à la formation sans tenir compte de leur « divan d’origine », comme on dit, c’est à dire sans que le statut et l’appartenance de leur analyste à telle ou telle société soient des critères a priori de sélection.
Le parcours des analystes en formation : une culture de liberté
Instruits par leur expérience de l’institution analytique (se reporter à « Une conquête »), particulièrement avertis quant au risque de voir s’infiltrer dans le champ même de la psychanalyse toutes sortes de croyances et d’idéologies, et sachant à quel point l’esprit humain est influençable, les fondateurs de l’APF ont voulu insuffler dans cette association une culture de responsabilité, de liberté et d’autonomie qui s’est traduite dans leur façon de concevoir la formation et l’enseignement. On y reconnait le souci de dégager ceux qui désirent se former à l’exercice de la psychanalyse de l’emprise des tuteurs et des maîtres à penser, lesquels, en vérité, empêchent plutôt de penser, dans la juste mesure où ils usent de leur pouvoir dans le cadre institutionnel et où surtout ils encouragent les identifications au détriment de la créativité, du doute, de l’esprit critique, et de la réflexion personnelle. La source de cette liberté tient bien sûr avant tout à la cure elle-même et aux effets que l’on peut en attendre, d’où l’attention portée à préserver autant que possible cet espace intime des ingérences extérieures, de telle sorte que l’analyse puisse véritablement avoir lieu. Mais ces exigences ont eu d’autres prolongements dans la façon de penser le « cursus » de formation. Ce sont les cures supervisées qui constituent le support essentiel de sa formation, il appartient à l’analyste en formation de choisir ses « superviseurs » et de demander, au moment qu’il jugera opportun, la validation de son travail dont il aura lui-même à rendre compte sans que cette fonction ne soit déléguée à celui ou celle qui l’a accompagné. Concernant l’enseignement c’est encore à l’analyste en formation et à lui seul qu’il appartient de choisir les séminaires et groupes de travail auxquels il souhaite participer. Il en est de même pour les débats et entretiens scientifiques auxquels il est invité d’emblée à prendre part activement. Il lui sera possible aussi d’exercer précocement des responsabilités dans différentes instances d’enseignement ou scientifiques de l’Association. Une grande part d’initiative lui revient donc. De son côté l’Institution se veut largement ouverte à différents courants de pensée. Les exigences et les idéaux qui présidèrent à sa fondation gardent aujourd’hui leur vigueur pour assurer la liberté d’expression attendue du discours scientifique. Si la psychanalyse comme « travail de culture » ne se réduit pas à être une pratique psychothérapique parmi d’autres, elle ouvre à de féconds échanges avec ces « sciences humaines » que sont la linguistique et l’anthropologie aussi bien qu’avec la philosophie, la littérature et la poésie par les liens de langage qu’elle tisse avec l’originaire. Mais on peut y ajouter, et ce depuis ses origines, sa fréquentation de la médecine, de la biologie et aujourd’hui son attention portée au développement du champ des neurosciences. Introduits dans ce forum les analystes en formation sont invités à en tirer le meilleur profit. L’analyste en formation est ainsi libre de ses choix tout en étant quand même obligé d’en effectuer et de participer à des enseignements proposés. Il aura in fine à rendre compte de son parcours lorsque, ayant obtenu les validations de deux cures supervisées successives, il demandera l’homologation de son cursus.
(en pratique : vous pouvez consulter l’onglet « La formation »)
Telles sont les marques distinctives auxquelles tient l’APF : esprit de recherche et de découverte, extraterritorialité de l’analyse personnelle, gestion personnalisée de leur cursus par les analystes en formation, large ouverture au champ des connaissances et de la culture sous tous ses aspects. Peut-être représente-t-elle par là-même une force dynamique et questionnante au sein de l’Association psychanalytique internationale dont elle est une société composante comme il est dit en préambule de ses statuts. La référence à cette instance tierce, dont on rappellera qu’elle avait été mise en place par Freud en 1910 pour préserver la psychanalyse de dérives peu compatibles avec ses principes éthiques, garde de ce point de vue une fonction essentielle et se trouve à la base des relations intercommunautaires. Ce rattachement a représenté un enjeu important dans l’histoire de l’APF.
II-Une conquête
L’histoire de l’APF
Aux sources de l’APF se trouvent les conflits qui, en 1963, paralysèrent le fonctionnement de la Société Française de Psychanalyse (SFP) créée dix ans plus tôt par Françoise Dolto, Juliette Favez-Boutonnier et Daniel Lagache. Les divergences au sein de ce groupe portaient sur des questions d’ordre à la fois théorique et pratique se répercutant notamment sur la façon de concevoir la formation des futurs analystes. Les dissensions furent telles qu’elles finirent par entraîner l’éclatement de cette Société en deux groupes : d’un côté naquit l’Association psychanalytique de France, rassemblant autour de Daniel Lagache, son premier président, les analystes et élèves de la SFP qui contestaient les orientations et les méthodes de Lacan, tandis que ce dernier regroupait de son côté ses disciples les plus fidèles pour créer sa propre École Française de Psychanalyse, bientôt rebaptisée École freudienne de Paris.
La SFP était elle-même issue d’une première scission, laquelle s’était produite en 1953 sous l’effet de divergences dont l’enjeu principal concernait lui aussi la formation. Dans ces années d’après-guerre, le mouvement psychanalytique français, représenté exclusivement par la Société Psychanalytique de Paris (SPP), sortait à peine de la clandestinité et du silence auxquels l’occupation nazie l’avait contraint. La paix revenue, tout ou presque était à reconstruire. L’aide généreuse de Marie Bonaparte et d’analystes autrichiens ou allemands émigrés aux États-Unis se révéla très précieuse pour la création à Paris d’un Institut chargé de la formation et de l’enseignement de la psychanalyse. C’est le fonctionnement de cet Institut, qui fut à l’origine de conflits de pouvoir et de dissensions qui iront jusqu’à provoquer la rupture.
Les affrontements se personnalisèrent autour des têtes de file qu’étaient Sacha Nacht et Jacques Lacan. Le premier, alors directeur de l’Institut de formation voulut imposer un modèle de formation à la société. Cela suscita la fronde d’élèves soutenus par certains membres titulaires dont Jacques Lacan qui en était alors le président. La crise éclata en juin 1953. Se trouvant en minorité, Lacan fut obligé de se démettre de ses fonctions. Juliette Favez-Boutonnier, Françoise Dolto et Daniel Lagache, opposés aux initiatives de Nacht, démissionnèrent de la SPP en annonçant la création d’un nouveau Groupe d’études et de recherches freudiennes, cette fameuse Société française de psychanalyse (SFP) dans le cadre de laquelle ils organisèrent aussitôt leur enseignement sur la base principalement de séminaires cliniques. Ils furent rejoints par Lacan et par la moitié des analystes en formation à la SPP, parmi lesquels figuraient bon nombre de ses propres analysants. De là viendront ceux qui, dix ans plus tard, présideront aux destinées de l’APF.
Fidèle à l’héritage freudien, la SFP voulut en même temps s’ouvrir, sur le plan scientifique, à une grande pluralité d’apports : l’enthousiasme qu’elle suscita restera source de fierté et de nostalgie pour ceux qui participèrent à cette épopée. De grandes figures ont marqué cette période comme celles de « la troïka » réunissant Wladimir Granoff, Serge Leclaire et François Perrier. La nouvelle société créa une revue, intitulée La Psychanalyse, où furent publiés des travaux qui aujourd’hui encore sont lus avec un vif intérêt.
Mais les fondateurs de la SFP n’avaient guère prêté attention au fait qu’en démissionnant de la SPP ils quitteraient du même coup la communauté psychanalytique internationale représentée par l’API. D’aucuns, avec le consentement de Lacan, œuvrèrent alors avec beaucoup d’énergie pour tenter d’y reprendre place en cherchant à obtenir la reconnaissance de la SFP comme société composante de l’organisation. Ce fut en vain. Les efforts menés dans cette direction, notamment par Granoff, butèrent sur ce que les instances exécutives de l’Association internationale stigmatisèrent comme « insuffisance de la formation et des capacités d’enseignement du groupe » en observant la place prépondérante qu’avait prise Lacan dans la formation à la SFP. Parmi les pratiques qui posaient question, les séances à durée variable, se réclamant du principe de la « scansion », ont souvent été mises en avant. Si elles constituaient un point litigieux, il s’avéra par la suite qu’au sein même de la SFP, une autre pratique de Lacan était encore plus difficile à admettre : le « maître » proposait à ses analysants de participer à son séminaire, sans égard aux effets transférentiels qui résultaient de cette confusion des espaces et des fonctions favorisant l’instauration avec ses « patients-élèves » d’une relation d’emprise difficilement compatible avec l’éthique analytique de même qu’avec les principes mêmes de la méthode.
En 1961, au Congrès d’Édimbourg les instances exécutives de l’API, acceptèrent néanmoins de reconnaitre la SFP comme « groupe d’étude » (selon une classification toujours en vigueur qui en faisait le 1er niveau d’intégration). Mais elles lui imposaient en contrepartie de se laisser accompagner par un « Comité ad hoc » chargé de mesurer son aptitude à respecter un ensemble de directives précises concernant le déroulement de la formation. Lacan fut invité à se plier à ces exigences, faute de quoi il devrait se démettre de ses fonctions d’analyste didacticien. Si la majorité de la SFP jugea peu acceptable cette pression exercée par l’API sur l’un de ses membres les plus éminents, elle décida néanmoins de temporiser en espérant que ce dernier ferait preuve de souplesse. Mais Lacan resta intraitable, ce qui aggrava la situation et rendit irréversibles les divisions à l’intérieur de la SFP. En 1963, lors de son congrès de Stockholm, l’API renouvela ses recommandations et insista pour que Lacan ne figure plus sur la liste des membres titulaires habilités à l’analyse didactique et aux cures contrôlées qui constituaient alors les pièces maîtresses du cursus de formation. En octobre de la même année, sur proposition de Daniel Lagache, Georges Favez, Juliette Favez-Boutonnier et Wladimir Granoff, la SFP entérina la radiation de Lacan de la liste des analystes habilités à l’analyse didactique, par une « motion d’ordre » suivie d’un vote en Assemblée générale. Telles furent donc les conditions dans lesquelles se produisit en 1964 la seconde scission précédemment évoquée. Fondée par Jean Laplanche, Jean-Claude Lavie, et Daniel Widlöcher, l’Association psychanalytique de France regroupait les analystes qui avaient souhaité réintégrer l’API en acceptant ses principes ; de son côté l’École Freudienne de Paris rassemblait sous l’égide de Lacan ceux qui avaient refusé de se soumettre aux exigences de l’instance internationale.
Dans la nouvelle association se retrouvèrent, outre les personnalités évoquées plus haut, d’autres figures marquantes comme celles de Didier Anzieu, Jean-Bertrand Pontalis, Victor Smirnoff… Guy Rosolato vint les rejoindre en 67, après avoir démissionné de l’École Freudienne de Paris. Un peu plus tard, en 69, au moment où Lacan introduit la « passe » comme modalité de la reconnaissance comme analyste, plusieurs compagnons de route de Lacan, parmi lesquels Piera Aulagnier, François Perrier, Jean-Paul Valabrega et Nathalie Zaltzman se séparent de lui à leur tour pour constituer une nouvelle société, le Quatrième Groupe, Organisation psychanalytique de langue française (OPLF). L’OPLF ne fit jamais la demande de rattachement à l’IPA et certains de ses membres s’en séparèrent (à partir de 2005) pour fonder la SPRF (Société psychanalytique de recherche et de formation), reconnue depuis par l’IPA.
Au cœur de ces affrontements les désaccords portant sur la formation des analystes occupaient donc une place essentielle. Stigmatisant le « discours du maître », Lacan n’en était pas moins l’incarnation. Capable de cumuler auprès des mêmes personnes les fonctions d’analyste, de formateur et d’enseignant, il devenait pour certains la référence absolue. Le geste fondateur de l’APF fut l’expression d’une prise de distance radicale vis-à-vis de ces formes d’inféodation qui pérennisent l’aliénation aux objets transférentiels. Cette rupture fut un acte de liberté particulièrement exigeant pour nombre des fondateurs de l’Association dont Lacan avait été l’analyste. Leur choix n’a jamais cessé, jusqu’à aujourd’hui, de produire ses effets, de la suppression de l’analyse didactique jusqu’à la conception d’un enseignement intégré à une formation analytique ou enfin par des modalités de prise de position dans le débat public spécifiques à l’APF..
L’APF a toujours eu pour idéal, en assurant son indépendance et son originalité, de faire place à la diversité des points de vue dans un esprit de tolérance critique. Cela n’empêche évidemment pas, bien au contraire, que différents courants aient pu se former en son sein, donnant lieu le cas échéant à des affrontements parfois vifs, et ce d’autant plus qu’ils étaient portés par des convictions fortes (ceci en référence au principe de base : la clinique d’abord, la théorie ensuite) et donnant lieu à des travaux conséquents. L’association sut néanmoins tolérer et surmonter ces divergences, même quand elles mirent en péril ou menacèrent de paralysie la vie de l’Institut de formation.
Si certaines pratiques de Lacan ont été désavouées, le « retour à Freud » qu’il avait originellement soutenu avec force eut pour l’APF des effets durables. Le célèbre « Vocabulaire de psychanalyse » publié par J. Laplanche et J.-B. Pontalis en 1967, à une époque où les textes freudiens n’étaient que très partiellement disponibles en français, s’inscrit dans cette perspective. Les deux auteurs poursuivront ce travail traductif, chez Gallimard pour Pontalis, aux PUF pour Laplanche avec sa nouvelle traduction des Œuvres Complètes qui témoigne de sa préoccupation de rester au plus près du texte originel, non pour le sacraliser mais au contraire pour être en mesure de le « faire travailler ». Les « Problématiques » de Laplanche s’inscrivent dans ce même mouvement. On peut en dire autant des travaux de Granoff ou de Rosolato, ou encore de l’enseignement d’analystes tels que Robert Pujol et Jean-Claude Lavie dont la filiation lacanienne se manifeste notamment par l’attention qu’ils portent au langage dans la cure. On en trouverait aussi l’écho dans la manière dont certains ont repris en l’élargissant la question des signifiants qui ne sont pas simplement linguistiques : « signifiants énigmatiques » de Jean Laplanche dans sa « théorie de la séduction généralisée » (il préférera cependant parler plus tard de « messages énigmatiques »), « signifiants de démarcation » de Guy Rosolato, ou encore « signifiants formels » de Didier Anzieu liés à sa conception du « Moi-peau » et des enveloppes psychiques… Daniel Widlöcher a ouvert une voie originale autour de la « co-pensée » et de la « présentation d’action », deux axes dont la bifurcation anticipe sur les débats contemporains. Beaucoup d’autres apports, bien sûr, sont venus enrichir la réflexion, tels que ceux par exemple de D.W. Winnicott, pour ne citer que cet auteur, dont les écrits ont été mis à la disposition du plus grand nombre par les traductions, notamment, de Michel Gribinski.
Depuis ses origines l’APF investit fortement la communication écrite avec une abondante production d’ouvrages et d’articles dont on trouvera sur notre site une liste régulièrement mise à jour. Parmi les revues publiées par certains des membres de l’APF, la Nouvelle Revue de Psychanalyse éditée de 1970 à 1994 sous la direction de J.-B. Pontalis est l’un des témoignages les plus vivants de l’esprit d’ouverture et de recherche laissés en héritage à ceux qui sont venus ensuite : choisir les thèmes à partir des mots que l’on croit simples de la langue commune pour échapper aux notions théoriques répertoriées (telles que les questions commandent les réponses), induire le trouble de penser sans quoi la pensée laisse place à la croyance, faire l’épreuve de l’étranger mobilisant le transfert dans l’ouverture à des auteurs venus d’ailleurs (qu’il s’agisse de leur pays, de leur discipline ou de leur pensée singulière), éviter aussi bien l’exégèse des textes que l’application d’une science, se libérer de toute appartenance à une institution comme de toute allégeance à la parole d’un maître, rendre sensible l’animation de l’inconscient, tenter de rendre son travail intelligible sans prétendre le maîtriser, telles furent les orientations de cette revue qui fit souffler un vent de liberté et de créativité dans le champ de la psychanalyse. D’autres revues ont suivi qui, chacune avec leur originalité, ont gardé quelque chose de cet héritage inépuisable : citons Le fait de l’analyse qui fit place à Penser, rêver sous la direction de Michel Gribinski, L’inactuel, sous la direction de Marie Moscovici, ou encore Les libres Cahiers de la psychanalyse, sous la direction de Jean Claude Rolland et de Catherine Chabert. La collection Connaissance de l’inconscient chez Gallimard, fondée par J.-B. Pontalis et reprise un temps par Michel Gribinski a publié un grand nombre d’ouvrages de référence tandis que les « petits bleus » (Petite bibliothèque de psychanalyse) publiés par les P.U.F. sous la direction de Jacques André suscitent un intérêt suffisamment fort pour échapper aux difficultés éditoriales qui atteignent aujourd’hui les écrits psychanalytiques. Ces évocations ne donnent qu’une vue très partielle des ouvrages publiés dans d’autres collections sous la plume par exemple de J. Laplanche, P. Fedida, G. Rosolato, L. Kahn, E. Gomez Mango, J.-Cl. Rolland, D. Widlöcher, P. Merot, C. Chabert… pour ne citer qu’eux. Sous la direction première d’André Beetschen, suivi de L. Kahn puis de P. Merot, l’APF a publié l’Annuel de l’APF un recueil annuel de conférences prononcées lors de ses colloques et de ses débats du samedi. Depuis 2019, l’APF a décidé de se doter d’une revue semestrielle « Le présent de la psychanalyse », actuellement sous la direction de J. André, dont le projet est de faire connaître une certaine orientation de la psychanalyse. Non pas seulement celle de l’APF mais bien ce qui prévaut comme arêtes les plus vives de l’œuvre freudienne et où demeure toujours ouverte la question de la formation du psychanalyste et ce en recourant également à divers auteurs dans une pluridisciplinarité fidèle à l’esprit de l’APF.
III-Organisation
Un mot de l’organisation : L’APF comme toute association comporte des membres actifs et des membres honoraires.
Les membres actifs se répartissent en deux catégories :
– celle des sociétaires (47 en 2024).
– celle des titulaires (35 en 2024).
Quelques-uns de ces membres ont été élus de surcroît membres d’honneur en signe de reconnaissance pour ce qu’ils ont apporté à l’association. Depuis les origines de l’APF ils sont neuf à avoir reçu cette distinction : A. Anzieu, J-L. Lang, J. Laplanche, J-C. Lavie, J-B. Pontalis, R. Pujol, J-C Rolland, G. Rosolato et D. Widlöcher.
Viennent ensuite les psychanalystes dont le cursus a été homologué (43 en 2024) et ceux qui sont en formation (145 en 2024).
- Les membres actifs de l’APF, titulaires et sociétaires, sont ipso facto membres (full-members) de l’Association Psychanalytique Internationale. Parmi les sociétés composantes de cette API, les classifications diffèrent. Les sociétaires de l’APF ont le même statut que les titulaires d’autres sociétés. Les titulaires de l’APF sont ipso facto formateurs (training analysts dans la classification de l’API) au même titre que les « titulaires formateurs » d’autres sociétés (ou les « didacticiens », pour celles qui ont conservé cette fonction).
- Les titulaires, élus par leurs pairs, figurent sur la liste des analystes en exercice à l’Institut de formation, et sont seuls habilités à pratiquer des supervisions curriculaires. Certaines fonctions administratives leur incombent. Ils se réunissent en Collège plusieurs fois par an pour élire les nouveaux membres, homologuer les cursus des analystes en formation et traiter, à la demande du Conseil d’administration, tout problème d’importance touchant à la vie de l’association. Si les circonstances l’imposent le Collège se réunit en tant que Comité d’éthique.
- Les sociétaires participent à l’activité scientifique de l’Association et à sa politique (dans le cadre notamment des Assemblées générales), ils peuvent exercer des fonctions d’enseignement, notamment à travers l’animation de séminaires, et prennent part à un certain nombre de responsabilités administratives au sein du Conseil d’administration et de différents comités.
- Les membres honoraires (24 en 2022)
- Les psychanalystes dont le cursus a été homologué (41 en 2022). À l’APF, la dénomination « analystes ayant homologué leur cursus » équivaut à celle de membres adhérents ou associés dans d’autres sociétés.
- Les analystes en formation à l’APF (148 en 2022).
Classifications | |||
API | APF | Dans d’autres sociétés composantes | |
Full members | Training analysts | Titulaires | « Titulaires formateurs » |
members | Sociétaires | Titulaires |
Associate members | Analystes au cursus homologué | Membres adhérents ou Associés |
Candidates | Analystes en formation | Elèves, candidats |
Un rôle important incombe au Conseil d’administration, dont les membres élus pour deux ans sont un Président, deux Vice-Présidents, un Secrétaire général, un Secrétaire scientifique, et un Trésorier. Il leur revient non seulement de gérer les affaires courantes de l’APF mais aussi de proposer des orientations et d’animer la vie de l’Association notamment par la programmation et la réalisation des activités scientifiques et d’enseignement, ce à quoi contribuent différents comités (Comité scientifique et Comité de l’enseignement) lesquels sont constitués à chaque renouvellement du Conseil. L’APF dispose par ailleurs d’un bulletin à usage strictement interne, intitulé « Documents et Débats », rédigé sous la direction de l’un des vice-présidents. L’APF disposait en outre d’un Comité des publications qui éditait périodiquement un recueil des principales conférences faites au cours de l’année (L’annuel de l’APF). C’est aujourd’hui un Comité de rédaction qui est en charge de notre revue semestrielle « Le présent de la psychanalyse »
Le président de l’APF est le directeur de l’Institut de formation. Celui-ci regroupe tous les titulaires : ceux-ci désignent parmi eux 9 membres qui constituent le Comité de formation. Il revient à ce comité de se prononcer sur les candidatures à l’Institut de formation (admission au cursus), et sur la validation ou non des supervisions, parfois aussi d’un ajournement. Le Comité de l’enseignement rattaché à l’Institut, s’occupe plus directement de la mise en place des séminaires et groupes de travail proposés par l’Institut et à veiller à la cohérence et à la coordination des séminaires et groupes de travail proposés par les membres ou analystes en formation. Il édite le programme de ces activités qui est envoyé chaque année à tous les membres et analystes en formation. Une Assemblée générale ordinaire à laquelle sont convoqués tous les membres se réunit une fois par an pour entendre et voter les différents rapports d’activité présentés par le Conseil.
Le fonctionnement de l’institution et les attributions de chacun sont précisés dans les statuts de l’Association et dans son règlement.
Voir la constitution du conseil d’administration de l’APF