Telles ces ruines majestueuses, celles du temple de Bacchus ou de Jupiter à Baalbek, l’antique alliance entre le corps et l’âme dresse l’arrogance de ses colonnes de granite contre le bleu aveuglant du ciel. Tremblements de terre, effondrement des empires et déclins des civilisations, rien n’y fait, la beauté exige l’éternité.

Plus d’un siècle après leur naissance, comment penser les images des âmes mises en circulation par le cinéma et la psychanalyse, derniers venus parmi les dispositifs d’observation et d’exploration de l’humain ? Comment suggérer les fissures de la représentation, comment éprouver les troubles étranges que ces deux approches déploient pour capter l’insaisissable ?

Cheminant ensemble au bord de la mer, deux promeneurs qui s’occupent de films et de séances psychanalytiques s’entretiennent à la nuit tombante. Ils tentent d’accorder leurs instruments, le regard et la parole, pour donner corps à leurs âmes. À leur passage s’élève une buée de mots et d’images que les embruns dispersent.

« Sommes-nous parvenus à cette butée des mots et des images que Godard annonçait en 1967 dans La Chinoise : ‘’La réalité n’a peut-être encore surgi aux yeux de personne’’ ? Le cinéma tourne autour de ces questions tant il a la capacité de représenter les différents niveaux de réalité dans lesquels nous évoluons. Je m’explique : un cinéma aussi matérialiste que celui de Huillet et Straub culmine avec ce déchiffrage de la réalité alliée aux écrits littéraires. Chez eux, la lettre de la parole est jointe à la contemplation sensible, et l’image donne forme à la réalité. Ils ne montrent pas l’évidence des luttes de classes, ils montrent au nom de quels désirs elles sont menées ; à cause de leur enracinement dans les combats pour la justice, ils exposent sous nos yeux leur élévation spirituelle, la recherche d’un regard où la lucidité se conjugue avec la vérité.»