Wladimir Granoff est l’un des rares, l’un des premiers, à poser la question du féminin autrement. Il ne se laisse pas subjuguer par la grande énigme : « Que veut une femme ? » mais choisit d’interroger en amont : « Que produit le féminin ? », et accomplit une véritable avancée théorique. Si le féminin tend, comme le pense Granoff, à abolir les contradictions, il n’est pas le lieu de l’harmonie ni, du reste, de son contraire. Le féminin, ça fait penser. Davantage, il est la condition même de la pensée.
Dans ce séminaire tenu en 1974-1975 – à la suite de Filiations, consacré à la question du complexe paternel –, Granoff aborde un continent dont la psychanalyse, en dépit de ses découvertes sur la bisexualité et le roc du féminin, entretient la méconnaissance. Il approche par des détours imprévus cette inquiétante étrangeté dont le féminin serait porteur : menace pour la représentation, pour la certitude narcissique et phallique. Il cherche à éclairer les origines refoulées de la révolution freudienne, notamment autour du mot-clé Spalt(ung), fente du sexe de la femme mais aussi fente dans la pensée.
La Pensée et le Féminin, ça ne se lit pas seulement, ça s’écoute. Voyage des mots, signifiants polyglottes prélevés ici et là dans le lexique freudien : Granoff a l’écriture buissonnière, le souffle inépuisable, à la manière d’un conteur.