« J’étais pour toi transparente comme l’air et tu étais aussi imposant qu’un archéoptéryx, oui, je crois que c’est le nom de ces mystérieux oiseaux fossiles d’avant le déluge. » C’est en ces termes que, dans la « cure d’amour » entreprise avec Norbert Hanold, Zoé-Gradiva se désigne étrangère de là où elle voit la monstruosité fossile du symptôme. Le lieu étranger — toujours en mouvement — réalise l’apparence. L’air, la transparence, le fossile : tel pourrait être le titre de ce livre. L’hallucination négative en est le centre, comme on le dirait de l’origine d’une parole dans sa régression transférentielle. La situation analytique est là toute entière — soit jamais une fois pour toute installée, toujours asymptotique. L’étranger est certainement l’analyste présent en personne mais c’est l’absence et sa non-personne qui forment l’étrange étranger de l’interlocuteur. Le site de l’étranger ne saurait être occupé — sauf imposture du rôle — par l’analyste en personne !
Mais la psychanalyse aurait-elle disparu à l’insu des psychanalystes trop prompts à revendiquer de multiples façons le statut d’une place qui les identifie ? On serait parfois tenté de le croire lorsqu’on voit le discours psychanalytique gagné par l’idéologie pragmatiste de l’inter-action et de la fameuse relation inter-personnelle. Tout les « concepts » peuvent ainsi chavirer et le nominalisme d’un vocabulaire commun entretient le concensus qui, par définition, est un leurre. L’idéologique de la théorie disqualifie ainsi le pouvoir du mythe fondateur. L’événement du meurtre du père est cet événement du premier poète-héros : il est par excellence celui de l’epos du langage qui seul conserve la trace d’un meurtre qui a eu lieu et reste toujours à accomplir. Le site de l’étranger, c’est l’étrangèreté de l’inconscient dans le langage, c’est la mémoire généalogique du transfert et de son rêve de sépulture, c’est l’ancêtre absent qui a figure de père dans son essence d’absence.