La reproduction sexuée a ceci de remarquable qu’elle répète les caractéristiques globales des géniteurs tout en donnant naissance à un nouvel être, différent de ses parents du fait même de la recombinaison de leur patrimoine génétique. Il y a à la fois continuité dans la transmission des caractères de l’espèce et discontinuité dans la création d’un être nouveau. La sexualité est le processus qui permet, à l’échelle de l’espèce, de conjuguer stabilité et changement.
C’est bien en référence à la notion de stabilité que Freud définit, dans l’Esquisse d’une psychologie scientifique (1895), le moi d’un côté et les besoins pulsionnels de l’autre. La tendance première de l’appareil psychique est de décharger à l’extérieur toute excitation qui l’atteint. Freud parle de fonction primaire, qui ramène le niveau d’excitation de l’appareil psychique au zéro. Le moi naît de la nécessité de faire face à un type particulier d’excitations, venant de l’intérieur du corps, qui exigent, pour être déchargées, des conditions particulières, c’est-à-dire la rencontre avec l’objet de satisfaction. Le retour au zéro absolu n’est plus possible, il faut conserver un certain niveau d’énergie, nécessaire à ce que Freud appelle alors la fonction secondaire, c’est-à-dire la réalisation des conditions de la décharge pulsionnelle. Le moi sauve, pour ainsi dire, le principe de stabilité, mais puisque le retour au zéro énergétique n’est plus possible sous l’effet des pulsions, il tend à ramener l’appareil psychique au minimum énergétique. […]