Daniel Widlöcher : une idée du changement
Daniel Widlöcher nous a quittés le 14 décembre 2021. Il a développé, tout au long d’une œuvre majeure, un modèle reposant sur le langage de l’action, défendant la conception d’un fonctionnement psychique inconscient indépendant de toute forme de traitement linguistique et proposant d’approfondir la métapsychologie freudienne en tant que métapsychologie du sens. La question du changement et des résistances au changement en psychanalyse constitue un des fils rouges de son œuvre. Comprendre comment un mode de pensée ou une attitude se transforment, donnent naissance à un autre mode de pensée, à une attitude nouvelle, lui apparaissait une tâche essentielle. Ce travail de réflexion, au fil d’importants textes et articles, contient les contours de l’objet d’étude qui va l’occuper de façon dominante : les spécificités de la communication psychanalytique et le travail de l’esprit, du côté de l’analysant comme du côté de l’analyste. À l’occasion de cette journée, trois thèmes majeurs de son œuvre seront développés et discutés : l’acte psychique, la co-pensée et son lien à l’empathie, et la sexualité infantile. En effet, Daniel Widlöcher a développé, au confluent des apports de différentes sciences du fonctionnement mental, une modélisation de la vie de l’esprit comme ensemble de mises en actes et de scénarios fantasmatiques. C’est là, selon lui, l’essence de notre subjectivité, au cœur de notre activité fantasmatique qui traite, seulement dans l’après-coup, les expériences vécues en construisant des scènes. La représentation inconsciente, dans cette perspective, est une scène qui s’accomplit sur le mode du processus primaire et ne se réfère plus à autre chose qu’elle-même : « l’inconscient, comme Dieu, réalise ce qu’il pense » (Widlöcher, 1996). La métapsychologie freudienne dans la pensée de Daniel Widlöcher devient ainsi une métapsychologie du sens, une métapsychologie concrète. Elle s’appuie sur une investigation de la communication qui s’instaure dans le cadre psychanalytique, entre une activité mentale se manifestant par des associations, et l’écoute qui peut en être faite. La co-pensée y occupe une place centrale en décrivant un processus de développement réciproque de l’activité associative qui permet des effets d’empathie par le jeu de mécanismes d’identification et d’inférence. La sexualité infantile prend, dans ces conceptualisations, un sens et un destin développemental particulier qui éclairent certains aspects du processus analytique et confèrent une place singulière à l’autoérotisme dans la cure.