Le Présent de l’analyse parait au rythme de deux numéros par an et il s’inscrit dans une longue tradition éditoriale. Il accueille des textes venant des analystes de l’Association psychanalytique de France mais il invite également d’autres analystes ou des auteurs d’autres disciplines à rejoindre le thème du numéro. Les thèmes sont choisis en écho aux travaux en cours de l’Association et répondent aussi à des curiosités plus actuelles. Cette démarche s’inscrit dans une volonté associative inhérente à la démarche analytique qui réunit et met en discussion des points de vue originaux et inédits. En ce sens, chaque numéro porte en lui les singularités du travail psychique dont il est le produit : délier, deviner, traduire et associer.
03/09/2024
La répétition a mauvaise presse, synonyme d’ennui ou d’impasse, voire d’obstacle infranchissable. Or elle accompagne le cours de la psychanalyse depuis ses débuts, d’abord dans les interrogations et les recherches de son inventeur et, par la suite, comme un élément déterminant dans la théorie et une condition de la technique. Ses formes sont donc diverses et les significations qu’elle revêt dépendent du contexte dans lequel dans lequel elle se présente, et de ses destins, d’où le pluriel du titre Que deviennent les répétitions ? Les textes recueillis dans ce numéro, fruits d’expérience variées en psychanalyse, mais aussi en musique et au théâtre, rendent compte des impasses de la compulsion et ouvrent vers un au-delà de la répétition.
04/01/2024
Anna O., une nuit où elle veillait pleine d’angoisse son père malade, vit un serpent noir sortir du mur et s’approcher du malade pour le mordre… Lorsque le serpent eut disparu, elle voulut prier mais toute langue lui fit défaut, jusqu’à ce qu’elle trouvât enfin une comptine anglaise et pût dès lors continuer à penser et parler dans cette langue.
L'oubli tire la réflexion psychanalytique à hue et à dia, tant la simplicité du mot est inversement proportionnelle à la diversité et à la complexité des processus qu'il recouvre.
Anna O., la patiente des Études sur l'hystérie, et Aharon Appelfeld, l'auteur en hébreu de L'histoire d'une vie, partagent le même symptôme, l'oubli de la langue maternelle, l'allemand. Sauf que l'une doit son oubli (provisoire) au refoulement de sa passion hystérique pour son père, quand l'autre perd (définitivement) une langue maternelle qui est aussi celle des bourreaux, assassins de sa mère.
Séduction débordante dans un cas, règne de la destructivité dans l'autre. On mesure le grand écart qu'il faut faire subir au mot oubli pour réunir sous un même signe deux expériences psychiques si éloignées l'une de l'autre.
22/08/2023
Des contributions sur la manière dont Freud envisage la réalité. Excluant la possibilité d'une relation avec le monde extérieur qui serait vierge de toute représentation préalable, il bouscule la hiérarchie entre réel et imaginaire et impose la figure d'un inconscient semblable à un corps étranger interne. Pour lui, tout rapport à la réalité est forcément trouble.
15/01/2023
Code ISBN : 9978-2-13-084368-9
Freud souligne à deux reprises son incapacité à effacer les traces, celles de la psychogenèse de deux ouvrages :
L’interprétation du rêve et L’homme MoÏse
Près de 40 ans séparent les deux livres, mais une même figure les réunit : Le père (celui de Sigmund et celui des Juifs), sa mort, l’ambivalence de l’amour et de la haine, une haine qui ne demande qu’à confondre la mort et le meurtre. Il n’y a pas de crime parfait, on n’efface jamais complètement les traces. C’est la chance de la psychanalyse. Relever les traces, suivre la piste dont ils indiquent l’entrée, interpréter les signes…
Le psychanalyste est un traqueur (un chasseur ?), même s’il est prié de ne pas tracer trop vite.
Collection : Le présent de la psychanalyse
Discipline : Psychologie et Psychanalyse
15/09/2022
Discipline : Psychologie et Psychanalyse
Date de parution : 15/09/2022
Code ISBN : 978-2-13-083494-6
Issus de l’expérience dont la pensée cherche à se saisir, les concepts psychanalytiques sont des êtres vivants, perfectibles, évolutifs, dont le destin varie selon l’usage qui en est fait dans le cadre de réflexions théoriques, en interaction constante avec la pratique, de même qu’ils interfèrent inévitablement avec la façon dont la culture s’en empare… pour le meilleur et pour le pire.
« La pulsion pourquoi faire ? », « Pulsion, vie et destin » (2022) sont les titres de colloques qui, à plusieurs dizaines d’années d’intervalle, interrogent ce lien entre le concept, l’utilisation qui en est faite et son devenir.
31/12/2021
Détresse dans la civilisation… Serait-il de nouveau possible de mettre « civilisation » au singulier ? Pas celui d’une même Cité, mais celui d’une même planète. La menace du désastre écologique est à la source d’un nouvel universalisme… dont on se serait bien passé. Le confinement de la vie auquel contraint l’actuelle pandémie est à la fois une réalité mondialisée et comme l’augure d’une vie future restreinte.
Malaise dans la culture (ou la civilisation), publié fin 1929, se conclut par cette interrogation : « La question décisive pour le destin de l’espèce humaine me semble être de savoir si et dans quelle mesure son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée à la vie en commun par l’humaine pulsion d’agression et d’auto-anéantissement. » Les motifs historiques ont changé, il est d’autant plus remarquable que notre question soit restée la même.
Comment comprendre une telle inaptitude à l’autoconservation, voire une mise en doute de la pertinence d’une telle notion quand il s’agit d’humanité ? La pulsion d’auto-anéantissement n’est-elle que la face négative d’une autoconservation perdue ? Ou relève-t-elle d’une violence positive et autonome, un au-delà du mal où le sadisme profiterait des circonstances ?
« L’époque présente mérite peut-être un intérêt particulier, écrit Freud. Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu’avec l’aide de ces dernières il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. Ils le savent, de là une bonne part de leur inquiétude présente, de leur malheur, de leur fond d’angoisse. » Ce qu’il ne pouvait prévoir, c’est que cette nature « forcée », devenue trop humaine, allait se retourner contre son démiurge.
Comme il était sans doute difficile à Freud de conclure sur un mot aussi pessimiste, mais dont il ne mesurait pas à quel point il était prophétique des quelques années à venir, il ajouta une phrase d’espoir : « Et maintenant il faut s’attendre à ce que l’autre des deux “puissances célestes”, l’Éros éternel, fasse un effort pour s’affirmer dans le combat contre son adversaire tout aussi immortel. » Éros le rassembleur (sinon le démocrate !) contre la pulsion d’auto-anéantissement, l’amour contre la discorde, cette idée d’un antagonisme au principe de l’humanité est aussi vieille qu’Empédocle. Nous y sommes.
2021
L’inconscient parle toujours une langue étrangère, y compris à celui qui en est l’hôte. Et il ne parle pas toujours… C’est d’abord comme « corps étranger », coupé de « la vie de représentation » que Freud l’évoque.
Étranger (fremd), étranger au moi (ichfremd), corps étranger (Fremfkörper), le devenir-étranger (Entfremdung), étrangeté (Fremdartigkeit), inquiétante étrangeté (Unheimlich)… le lexique freudien, et avec lui l’expérience de la psychanalyse, déclinent « l’étranger » sur tous les tons. « Le dehors, l’étranger, l’ennemi furent jadis des concepts identiques ». Au-dehors comme au-dedans le plus intime, l’étranger est ce qui nous est le plus proche. Il menace nos frontières, alors qu’il vit déjà au plus secret de nous-mêmes.
Le rêve fondateur de Freud, celui d’une vie onirique tout entière au service de l’accomplissement de désir, ce rêve ne s’est pas brisé, il s’est compliqué, voire déformé. À quoi travaille le rêve ?
À déguiser un désir aussi inconscient qu’infantile afin de lui permettre de trouver le chemin vers la surface, fût-elle nocturne ? Ou à traiter, transformer un trauma passé ou actuel, sinon pour le « guérir », au moins pour en diminuer la force de destruction et l’implacable répétition ? Accomplir un désir ou prendre soin ? Ouverte par Freud (on peut rêver au-delà du principe de plaisir), la question n’a pas pris une ride. La voie royale du rêve mène toujours à la démesure de la vie psychique, que la source puise au sexuel le plus inconciliable ou à la destructivité la plus obscure.« Peut-être l’inconscient ne dort-il jamais… » Surtout pas la nuit.
Nous n’en avons jamais fini avec la croyance : cette question s’inscrit depuis Freud dans une longue lignée de textes analytiques.
Le retour du religieux, qui peut se manifester aujourd’hui sous les modalités les plus archaïques et les plus mortifères, montre combien les croyances mettent en oeuvre une formidable résistance à ce qui pourrait les déconstruire.
Et, au-delà encore, à la toute origine, c’est le champ des premières représentations lui-même qui se constitue comme croyance.
Qu’est devenu le refoulement dans une perspective métapsychologique qui maintient sa part d’inconnu, ce destin des pulsions, « procédé tout à fait particulier », « pierre d’angle sur quoi repose l’édifice de la psychanalyse » pour Freud ? Et comment le détour joue-t-il pour qu’advienne malgré tout l’accomplissement du désir ?
Dans le cours de l’analyse, refoulement et détour ne cessent de se nouer et de se dénouer. L’un et l’autre traversent la clinique, du mot d’esprit au trauma. Mais c’est aussi dans la littérature que se découvre leur puissant écho.Emprise des normes ou disparition des normes ? Nous sommes aujourd’hui confrontés à des bouleversements dont la violence paradoxale ébranle nos repères théoriques et cliniques : les nouveaux usages de la notion d’identité trouvent des résonances flagrantes entre trouble du sujet et malaise dans la culture, dans les institutions comme les sociétés.
L’émergence contemporaine du genre bouscule les représentations de la sexualité. Mais la singularité de la sexualité humaine révélée par la psychanalyse s’enracine dans un sexuel infantile qui ne se soumet pas, irréductible à toute norme.Si le meurtre du père constitue l’une des clés de voûte de l’édifice freudien, le meurtre de la mère est ancré dans des eaux infiniment plus sombres. Le désir matricide n’est pas seulement lié à la rivalité œdipienne, il participe d’un monde plus régressif, archaïque, et ne se manifeste le plus souvent qu’à travers des formes indirectes ou masquées.
Ce sont ces formes qui sont explorées, à partir des points de vue multiples qui, donnant son ouverture la plus grande à la psychanalyse, interrogent au delà de la clinique, le théâtre, la littérature ou le cinéma.