Les psychanalystes ont pu parler, métaphoriquement, d’un stade cannibalique, marqué par l’incorporation orale ; et Freud, dans son mythe de Totem et Tabou, fait du meurtre du « père primitif » une dévoration.
Les ethnologues, eux, rencontrent le cannibalisme dans certains groupes humains sans qu’on soit autorisé pour autant à conclure que le fantasme est là mis en pratique.
Une confrontation s’imposait entre les premiers et les seconds. On verra qu’ils ne se dévorent pas les uns les autres.
Le cannibalisme, avec l’horreur qu’il suscite en nous, serait-il, selon la formule de Lévi-Strauss, un inceste alimentaire ? Consommer la chair de son semblable ou se dissoudre dans le corps maternel qui réintègre ainsi son produit ne sont peut-être pour l’inconscient que les deux modalités extrêmes du désir et de l’effroi du retour au même.
Automne 1972
Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 6, Gallimard
Parution : 08-12-1972
SOMMAIRE
J.-B. Pontalis – Avant-propos
Jean Pouillon – Manières de table, manières de lit, manières de langage
André Green – Le cannibalisme : réalité ou fantasme agi ?
Ursula Chodowiec – La hantise et la pratique. Le cannibalisme iroquois
Hélène Clastres – Les beaux-frères ennemis. À propos du cannibalisme Tupinamba
Remo Guidieri – Pères et fils
Nicolas Abraham et Maria Torok – Introjecter-incorporer. Deuil ou mélancolie
Pierre Fédida – Le cannibale mélancolique
Marc Augé – Les métamorphoses du vampire
Otto Fenichiel – De la crainte d’être dévoré
Hanna Segal – À propos des objets internes
M. Masud R. Khan – La tendresse cannibalique dans la sensualité non génitale
Geneviève Calame-Griaule – Une affaire de famille
Didier Anzieu – La fantasmatique orale dans le groupe
Jacques Geninasca – Conte populaire et identité du cannibalisme
Marcel Detienne – Entre bêtes et dieux
Document : Ogres d’archives. Textes présentés par Jean-Pierre Peter
Roger Dadoun – Du cannibalisme comme stade suprême du stalinisme
P.-F. De Queiroz-Siqueira – Un singulier manifeste